Un vendeur de centrales téléphoniques est en train de discuter d’une offre avec un client. Ce dernier lui a acheté une centrale il y a dix ans et lui paie à l’heure actuelle mensuellement €120.00 pour l’entretien de son installation. Le remplacement de sa centrale vieille de dix ans par une nouvelle centrale de Siemens va lui coûter €210.00 par mois. Cette somme inclut toutefois l’amortissement de sa nouvelle centrale. Il n’y a donc plus d’investissement initial. La concurrence lui a proposé une centrale Panasonic au prix de €180.00, amortissement également compris. Cette centrale de la concurrence vaut qualitativement le matériel de Siemens, mais présente quelques importantes restrictions au niveau des possibilités et du confort d’utilisation.
Le vendeur a effectué des recherches et s’est armé d’une BATNA[1]pour négocier avec le client. En dévoilant celle-ci avant même que la négociation n’ait vraiment commencé, il commet une erreur aussi cruciale que classique.
Vendeur: j’ai effectué des recherches pour savoir comment je pourrais continuer à vous aider et ai trouvé quelque chose qui, financièrement parlant, vous conviendra encore plus. Le Télénet. Son prix est vraiment très avantageux. Car dans votre cas et par rapport à votre serveur actuel, vous réaliserez une économie supplémentaire de €100.00 par mois en frais de conversation.
Client: En optant pour Télénet, nous dépenserions donc mensuellement €100.00 en moins en frais de téléphonie?
Vendeur: En effet, et c’est là vraiment un minimum, car si vous vous décidez avant la fin de l’année, vous pourrez en outre bénéficier de promotions intéressantes valables jusqu’au 31 décembre. Vous économiserez ainsi encore plus au cours de la première année.
Client: Y a-t-il encore d’autres possibilités en dehors de Télénet?
Vendeur: Non. Et j’ai vraiment tout vérifié dans les moindres détails. Ce qui m’a d’ailleurs pris beaucoup de temps, mais comme nous visons le partenariat, j’ai voulu vous prouver que nous prenions les choses très au sérieux et que nous souhaitions vraiment créer pour vous de nouvelles possibilités favorables.
Client: Oui, je vois… Je suppose que votre idée vaut d’ailleurs aussi pour des centrales d’autres marques…
Tout cela semble parfait, mais il s’agit quand même d’une faute classique. Le vendeur a trouvé un levier pour emporter la commande mais le dévoile tout de go. Or, comme cela n’a aucun sens, il faut donc s’y prendre différemment.
Vendeur: Comme nous préconisons le partenariat, j’ai pris la peine d’effectuer des recherches approfondies en votre faveur. Et c’est là que j’ai découvert quelque chose qui peut vous faire économiser €100.00 par mois. Si je vous révèle comment vous pouvez réaliser cette économie, comment allez-vous protéger les efforts que j’ai fournis pour vous? Ici, le vendeur ne nomme pas l’avantage supplémentaire. Il dit simplement combien le client peut économiser. Pas comment. Il y a à ce moment-là trois possibilités.
Positif.
Client: Ah, je comprends ce que vous voulez dire. Dans pareil cas, nous ne pouvons commander que chez vous. Faire autrement ne serait pas fair-play. Si le client réagit positivement, vous n’avez toujours pas la garantie d’emporter la commande, mais approchez du but. Il n’est toutefois pas encore judicieux de révéler le résultat de vos recherches.
Vendeur: Parfait! Sachez en plus que vous économiserez au moins €100.00. Notre offre ne vous coûtera en fait que € 110.00 pour un système plus performant qui sera € 70.00 meilleur marché. Que pensez-vous de cela?
Client: Le marché est libre. Nous ne pouvons donc rien vous promettre. Si vous voulez emporter la commande, vous devrez faire mieux que la concurrence. À vous de voir comment vous y prendre.
Ces clients-là se moquent d’inspirer ou non la confiance. Soyez donc sur vos gardes!
Vendeur: Je comprends votre point de vue, mais où se trouve alors mon intérêt.
En posant cette question conflictuelle, le vendeur relance le ballon dans le camp du client sans pour autant passer pour arrogant ou agressif.
Le client futé ne répond pas par oui ou par non, mais pose à son tour une question.
Client: Que voulez-vous précisément dire par là?
Si le client pose cette question ouverte, vous devez lui apporter des clarifications et lui dire de quoi il retourne.
Vendeur: Ce que je veux dire, c’est ceci: dans un partenariat, les deux parties coopèrent au profit de l’autre. Si je fournis des efforts supplémentaires qui vous offrent un avantage supplémentaire, j’attends de vous que vous m’en récompensiez. Concrètement parlant, que vous commandiez chez moi. N’est-ce pas logique?
La question fermée en fin d’argument est essentielle, parce qu’elle oblige le client à prendre position.
Si vous disposez donc à l’avenir d’un atout, attisez la curiosité de votre client, mais gardez l’essence en réserve. Le récit ci-dessus n’est pas fictif. Ajoutons pour les curieux parmi nos lecteurs que le vendeur a effectivement obtenu la commande. Ça aussi, c’est la réalité de la vente: ce n’est pas parce que vous commettez des erreurs que des commandes vous échappent. Car aucun vendeur ne mène des conversations de vente parfaites.
Walter Spruyt et Francis Herssens, www.salesguide.be