Les vendeurs sont comme le gaz: ils occupent tout espace qui ne leur est pas interdit. Et c’est tant mieux ainsi! Mais qu’en est-il du Directeur Commercial?
Demander de nouveaux avantages tout en protégeant les acquis
Lors de nos différentes missions comme Directeur Commercial intérimaire, nous avons été constamment confrontés à une situation récurrente de vendeurs qui mettaient leur direction sous pression, et cela sous des formes très diverses:
- protection du droit d’exclusivité sur “leurs” clients;
- maximum de commissions protégées peu importe la marge réalisée;
- gestion de dossiers, voire livraisons confiées à des collègues considérés comme assistant personnel;
- hausse salariale via des commissions toujours plus élevées et non pas grâce à une augmentation du volume des ventes;
- actions de marketing plutôt qu’efforts de prospection;
- commissions sur des ventes réalisées par la direction;
- compensations sur base de critères non liés aux résultats, même si les objectifs ne sont pas atteints (compensation pour un effort de prospection, satisfaction de la clientèle, etc…);
- rationalisation visant à rendre superflus les rapports de prospection et de visite;
- pas de prospection sans récompense supplémentaire;
- voiture plus chère sur base de l’ancienneté;
- refus de coopérer à l’actualisation de la base de données CRM pour prétendue incompétence en matière d’ICT;
- etc …
La logique même
Bien que nous n’ayons pas l’intention de justifier cette évolution, nous ne la critiquons pas aussi longtemps qu’elle ne dépasse pas certaines limites. Un bon vendeur cherche et trouve en effet d’instinct sa voie. Il applique tout simplement la loi économique du bénéfice maximal par le moindre effort. N’est-ce pas là une façon de raisonner tout à fait saine? Et cette même aptitude n’est-elle pas l’essence de son succès à récolter et à conserver des clients pour son entreprise? Bref, un directeur commercial ne doit selon nous pas ressentir d’émotion négative envers une telle démarche. Il ne doit donc pas blâmer son vendeur, mais considérer que cette façon d’agir est une donnée comme une autre. Il doit même pouvoir faire abstraction du ton sur lequel certaines exigences sont formulées. Le problème du Directeur Commercial ne devient en effet réel que le jour où ses vendeurs le regardent d’un air amorphe et n’exigent plus rien, le jour où ils semblent se satisfaire de leur rémunération, qu’ils prétendent être heureux de coopérer p.e. au dossier ISO ou d’effectuer des tâches qui sont étrangères à la vente.
Et le directeur commercial dans tout cela?
Il se sent pris en otage, coupable et prisonnier entre sa ferme conviction que les désirs des vendeurs ne sont souvent pas raisonnables et la crainte d’un conflit. Car c’est en effet cela qui intéresse avant tout la direction: éviter à tout prix les conflits! Et c’est là que le bât blesse. Elle recourt alors à la technique du “ce-n’est-vraiment-pas-le-moment”, ou croit que faire des concessions est la seule manière d’échapper au pire. Or, un bon négociateur (vendeur) exige des avantages aussi longtemps qu’il en obtient, si ce n’est pas maintenant, peut-être plus tard. Certaines directions semblent toutefois vivre sur une autre planète. Elles supposent que si elles cèdent, les vendeurs arrêteront leurs revendications. Rien n’est pourtant moins vrai!
Faire des concessions ne résout rien
Les conversations délicates, les concertations épuisantes et les éventuels conflits avec les vendeurs ne sont pas des choses à éviter mais à gérer avec discernement. Ces problèmes sont inhérents à une tâche qui consiste à diriger, à orienter et à guider les gens dans leur développement. Le but est de défendre des principes raisonnables et d’en tirer des accords gagnants/gagnants. En faisant des concessions, en cédant partiellement ou on restant sur ses positions, la direction se retrouve dans une position de négociation à valeur zéro qui laissera dans les deux camps un arrière-goût amer. Ce que l’un aura gagné, l’autre l’aura perdu, et inversement. Les deux parties continueront de suivre une ligne dure qui empêche d’aboutir à un accord gagnant/gagnant. Il est à ce niveau-là très utile de tenir tout au long de l’année des discussions de fonctionnement efficaces. Celles-ci permettront d’éviter un écart trop important dans l’évaluation que les deux parties font des prestations des vendeurs. Pour terminer, encore ceci: l’expérience sur le terrain nous a appris que les exigences salariales cachent dans presque tous les cas un autre mécontentement.
Conclusion: Et si vous vous étiez trompé de vendeur?
Soyons concret. Les directions qui sont régulièrement confrontées à des revendications de vendeurs feraient mieux de dépenser moins d’énergie négative à refuser, à faire des concessions ou à limiter les dégâts. Toute exigence d’un vendeur est une occasion de le faire gagner lui et d’en tirer par la suite un avantage pour l’entreprise. Tout l’art consiste à élargir dans ce but le débat et d’établir des accords qui profitent vraiment aux deux camps. Cherchez, autrement dit, avant tout des moyens grâce auxquels votre vendeur peut vendre plus. C’est d’ailleurs la meilleure façon de savoir si son profil correspond à celui exigé par votre entreprise.
Garder en service des vendeurs qui n’ont pas le profil souhaité vous plonge dans une situation de perte/perte. Celle-ci est éthiquement injustifiable envers le vendeur, mais aussi envers l’entreprise. Elle est malsaine pour les deux parties.
Les vendeurs qui exigent à tout bout de champ une motivation supplémentaire (en euros) sont en réalité des gens qui ne sont pas motivés pour le métier de la vente. Si la motivation intérieure est absente, mieux vaut orienter votre vendeur vers sa véritable vocation. Il vous en sera par la suite reconnaissant. Ce n’est en effet pas au gérant de motiver ses vendeurs pour le métier de la vente. Cette responsabilité repose sur eux, et sur eux seuls.