Comment les vendeurs et les délégués commerciaux vivent-ils la négociation d’une hausse des prix? Aspects techniques.
“Nous vous signalons par la présente que le 1er janvier nos prix augmenteront de 5%.”
La hausse généralisée des prix est d’actualité dans de nombreux secteurs. Celle des prix des matières premières et de l’énergie force en effet de nombreux fournisseurs à appliquer des augmentations de prix généralisées. Car attention: ignorer le problème, c’est sous-estimer l’impact de l’inaction sur la rentabilité finale de l’entreprise.
De quels aspects faut-il tenir compte en cas d’une augmentation des prix? À bonne préparation, objectif à moitié atteint!
Qui dans le secteur est le premier à augmenter les prix?
C’est une des premières questions que se pose tout leader de marché: “Est-ce à moi ou aux seconds violons de prendre l’initiative? Et quels sont les éventuels effets de ma décision?” L’expérience nous montre que les vendeurs du leader ont une sainte frousse de hausser en premiers les prix par crainte d’attaques opportunistes des concurrents. Mais elle nous révèle aussi que leurs craintes ne sont pas fondées. Certes, il y a par-ci, par-là l’un ou l’autre opportuniste qui tente de rafler momentanément une petite part du marché, mais les seconds violons réagissent en règle générale avec soulagement à la décision du leader de marché de mener la danse. Cela leur permet de préserver par une hausse des prix une marge bénéficiaire qui leur est tout aussi indispensable. Quant aux clients? Ici aussi certains transfuges ont un réflexe opportuniste, mais la plupart des clients restent loyaux si la hausse s’appuie sur des arguments valables.
En une fois ou par tranches?
Les vendeurs sont plutôt enclins à atténuer les effets néfastes d’une hausse des prix en la remettant à plus tard et/ou en la divisant en tranches. Deux stratégies qui ont un impact négatif sur la rentabilité. Le client doit non seulement digérer la hausse des prix en pourcentages, mais également le côté irritant de la démarche. Une hausse de 4,5% ou de 6,5% est dans ce sens du pareil au même. Elle provoque dans les deux cas l’irritation. Mieux vaut donc en finir une fois pour toutes, ne pas remettre ni étaler.
En pourcentages ou en euros?
Une chose est certaine: toute augmentation qui dépasse la barre des 3% provoque de l’irritation. Nous avons rencontré des cas où une augmentation de € 27,00 à € 29,00 par pièce avait causé d’énormes dégâts parce qu’elle avait été annoncée comme hausse de 7,4%. L’effet de ces 2 € sur le prix de revient du client était pourtant très marginal.
Sachez en outre qu’en matière de pourcentages des hausses de 5,00% ou de 5,15% ont des niveaux de crédibilité tout à fait différents.
Forcer sur les pourcentages pour quand même obtenir quelque chose? Un risque à prendre?
En marchandant, le vendeur se place en position de faiblesse émotionnelle. “Je devrai faire des concessions pour gagner la sympathie“, se dit-il. Or souvent, il obtient exactement le contraire. Céder par rapport à sa demande initiale, c’est avouer qu’on a tenté le coup. Cela laisse un arrière-goût amer. Quand un vendeur sait/pense/estime se trouver en situation de négociation, il communique beaucoup plus fébrilement. Ceci est dû au fait que vendre et négocier sont deux activités différentes. Un bon vendeur n’est pas nécessairement un bon négociateur, et inversement. Avec tout ce qui s’ensuit.
Comment annoncer l’augmentation?
Deux stratégies sont possibles. La stratégie proactive consiste à informer le client de la conversation à venir. On lui envoie une lettre avec une justification circonstanciée en lui proposant un rendez-vous pour discuter de l’augmentation. L’autre stratégie, dite réactive, consiste à annoncer l’augmentation de façon administrative et à ne réagir que lorsque le client demande des explications ou exprime son désaccord.
Les deux stratégies présentent des avantages et des désavantages. Le choix dépend en large mesure de la situation et du pourcentage de la hausse. L’environnement compétitif et la facilité de substitution sont eux aussi des facteurs décisifs. La stratégie réactive du profil bas est peut-être quand même la meilleure, la stratégie proactive pouvant réveiller un chat qui dort et aboutissant presque toujours à des discussions qu’on préférerait en réalité éviter.
Quelle que soit la stratégie choisie, l’équipe des ventes doit évidemment continuer à suivre de très près les tendances générales et l’ambiance du marché.
Le directeur commercial accompagne-t-il le vendeur ou celui-ci accomplit-il la tâche tout seul?
En cas d’augmentation des prix, bon nombre de directeurs croient bien faire en accompagnant leur vendeur chez les clients. Ils doivent toutefois évaluer au préalable l’effet que leur présence produira sur le client, sur le vendeur et sur le résultat final. Les vendeurs faibles préfèrent se faire assister par leur directeur. Les vendeurs forts peuvent très bien se passer de lui. Dans pratiquement tous les cas – vendeurs forts et faibles confondus – il s’avère que les vendeurs sont moins performants quand ils ont leur directeur à leurs côtés!
Justifier ou imposer?
Beaucoup de vendeurs optent pour le c’est à prendre ou à laisser. Ils pensent améliorer ainsi leur position de négociation. Or, rien n’est moins vrai. Une grande flexibilité et créativité sont les caractéristiques de base d’un environnement b-to-b. L’élasticité qui en résulte joue précisément en faveur des négociateurs. Le business game correct consiste à faire accepter une augmentation bien présentée et justifiée.
Passer à une communication positionnelle suffit parfois à gâcher l’ambiance. Continuez donc à défendre l’augmentation en tant que telle et évitez que la conversation ne se polarise et ne s’enlise dans une situation binaire. Il faut dans ce contexte éviter des généralisations du type “notre direction a décidé” que parce qu’en disant cela, le vendeur prend ses distances par rapport à cette décision. La direction commerciale doit à ce niveau-là bien documenter ses vendeurs sur les raisons profondes de l’augmentation des prix. Une information didactiquement justifiée est ici essentielle. Les tableaux sont peu éloquents, les diagrammes et autres moyens graphiques donnent en un coup d’oeil un aperçu des faits. N’oubliez d’ailleurs jamais l’importance d’une information correcte, le client sachant généralement très bien de quoi il retourne!
Le doute se lit sur leur visage
Le langage corporel des vendeurs trahit ce qu’ils ne veulent pas dire. Surtout s’il s’agit de vendeurs technico-commerciaux (médicaux, financiers et techniques). La plupart d’entre eux ont une aversion totale des augmentations de prix. Il est donc à conseiller d’investir, lorsque le problème est à l’ordre du jour, dans un entraînement des aptitudes communicatives en matière d’augmentations de prix. Cela vaut mieux que de perdre une grande marge bénéficiaire à cause de vendeurs qui ne savent pas comment gérer une hausse des prix.
L’entraînement des vendeurs doit couvrir différents aspects: leur attitude mentale, leur force de communication verbale et non verbale, les techniques de présentation et l’approche procédurale générale. Il est également crucial de discuter au préalable des éventuelles objections et des répliques appropriées. Le client dispose en effet de tout une panoplie de contre-attaques (dead lock, attaque émotionnelle, 50/50, remise à plus tard, envoyez-moi votre patron, menace, etc)
Direction commerciale
Appliquer des augmentations de prix est un exercice particulièrement exaspérant pour le vendeur. Il va de soi qu’il est démoralisant de devoir apporter pendant des semaines un message négatif à ses interlocuteurs/distributeurs/partenaires clés. C’est au directeur commercial de suivre de très près, et chiffres à l’appui, les résultats d’une hausse des prix. Ses vendeurs resteront ainsi en permanence informés de la situation. La pratique montre qu’en cas d’augmentation des prix, les battants atteignent rapidement leur vitesse de croisière. Les éléments faibles cherchent par contre des faux-fuyants et doivent très vite être remis sur la bonne voie, sans quoi ils pourraient en très peu de temps causer beaucoup de tort à l’entreprise.